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La réforme du lycée : entre contestations et soutiens

Dernière mise à jour : 5 avr. 2019


M. Blanquer (Jérémy Barande / Ecole polytechnique Université Paris-Saclay / CC BY-SA 2.0 )


Une réforme qui bouleverse les emplois du temps des élèves

Voici maintenant près d’un an que le gouvernement travaille sur une réforme qui bouleversera l’enseignement secondaire ainsi que les esprits : celle du baccalauréat et du lycée. Plus en détail, en quoi consiste cette réforme? A quoi doivent s’attendre les élèves de seconde générale et technologique qui s’apprêtent à subir cette réforme ?

Tout d’abord, le grand changement s’opère au niveau des filières générales auxquelles les familles s’étaient habituées : les filières S, ES et L (Scientifique, Économique et social, Littéraire) disparaissent pour laisser place à un tronc commun où chaque élève choisira différentes spécialités. En Seconde, les horaires restent relativement identiques : seules deux matières d’une heure et demi s’ajoutent. Il s’agit des Sciences Économiques et Sociales (SES) et des Sciences Numériques et Technologiques (SNT). En revanche, il n’y aura plus d’enseignements d’exploration obligatoire, mais uniquement des enseignements optionnels comme le latin, le grec, une troisième langue ou encore le théâtre. A noter que ces enseignements ne seront pas disponibles dans tous les lycées, il faudra donc être attentif quant aux lycées que les élèves intégreront. De plus, les programmes de toutes les matières ont été retravaillés pour fournir, théoriquement, un savoir plus complet, plus dans l’air du temps, permettant une meilleure intégration dans le monde contemporain.

C’est durant cette même année, en Seconde, que les élèves choisissent leurs spécialités pour les deux ans à venir. En effet, les filières qui disparaissent sont remplacées par un tronc commun de 16h en Première et de 15h 30 en Terminale composé des matières suivantes : Français , Histoire-Géographie , Enseignement Moral et Civique , Langue Vivante A et B , EPS et un enseignement scientifique (qui serait un mélange entre la Physique Chimie et les Sciences de la Vie et de la Terre pour apprendre une démarche scientifique plus que des connaissances poussées dans chacune des matières). A ce tronc commun s’ajoute trois spécialités de quatre heures en Première puis, en Terminale, une de celle-ci est abandonnée pour qu’il n’en reste plus que deux de six heures.



Ce grand nombre de spécialités est censé permettre aux élèves de créer leur propre parcours pour que ce dernier soit plus adapté à leur projet personnel. En effet, cette réforme doit répondre au grand problème de l’enseignement supérieur : 60 % des élèves entrant en université après leur bac échouent au cours de leur première année. En cela, le parcours personnalisé dans le secondaire semble être la meilleure solution pour le gouvernement. Mais faut-il encore que toutes les spécialités soient proposées dans chaque lycée. Par chance, au Lycée Saint-Exupéry à Parentis-en-Born, « les 11 [spécialités] vont être ouvertes » nous affirme M. Artus, proviseur du lycée. Toutefois, il nous déclare également que dans les grandes villes, « tous les lycées ne les proposent pas » entraînant une nécessité de partenariat entre établissements, ce qui s’avérera « un peu compliqué ».

Outre le choix

des différentes spécialités, l’organisation des classes de Première et de Terminale sera bouleversée : « C’est quand même une petite révolution » indique M. Artus. Les classes n’existeront que pour le tronc commun, les autres matières se pratiqueront en groupe de 35 élèves et le travail de l’administration des lycées se transforme : il ne s’agit plus seulement de prévoir le nombre de classes selon les demandes, il est important de créer un emploi du temps adapté à chaque élève, en prenant en compte les horaires ainsi que les moyens humains (professeurs) et matériels (salles de classes). D’autant plus que 69 combinaisons de spécialités différentes seront présentes l’année prochaine pour 320 élèves actuellement en Seconde.


Les enseignants ; acteurs-témoins de la réforme.

Au niveau des professeurs maintenant, car cette réforme implique de nombreuses évolutions dans la profession. Un article du journal « Le Monde » (27 février 2019) démontrait que la compétition entre disciplines était lancée grâce à cette réforme. Une compétition en partie présente pour attirer des élèves dans certaines spécialités qui, si elles n’étaient que trop peu appréciées, seraient fermées entraînant donc une potentielle diminution du temps de travail pour les professeurs ou encore la suppression de postes de fonctionnaires dans l’Éducation Nationale en ne remplaçant pas des départs à la retraite. Car n’oublions pas que cette réforme cherche également à faire des économies dans un secteur où les dépenses sont conséquentes. Et grâce à cette nouvelle organisation du lycée, des économies importantes sont prévues et c’est un point non négligeable pour le gouvernement.

Cependant, concentrons nous sur le travail des enseignants. Déjà, ils devront adapter leurs cours aux nouveaux programmes de Seconde et de Première dont les contenus ne sont connus que depuis récemment (ils ont été publiés fin-janvier). De plus, l’arrivée de nouvelles spécialités polyvalentes et pluridisciplinaires (comme la spécialité Histoire-Géographie, Géopolitique et Sciences Politiques ou Humanités, Littérature et Philosophie) apportent certains questionnements : un professeur d’Histoire-Géographie est-il à même d’apprendre les Sciences Politiques aux élèves quand aujourd’hui, celles-ci sont enseignées par les enseignants de Sciences Économiques et Sociales ? Ce n’est qu’un exemple, mais il démontre la difficulté concernant la mise en place de cette réforme. Notons également la présence d’une nouvelle matière : Sciences Numérique et Technologique (elle permettra à tous les élèves de mieux se servir de l’outil informatique) que tout professeur à la possibilité d’enseigner, ce qui peut être, là aussi, source de conflits. Une professeure d’espagnol du lycée nous avoue que « oui, c’est préoccupant ». Ainsi, le corps enseignant subit également cette réforme et il n’est pas prêt même si tous les enseignants ont suivi des formations durant toute la fin de l’année scolaire 2018-2019 afin de rendre cette réforme viable et utile.


L’année de terminale, des zones d’ombre à éclaircir

Ce n’est que dans deux ans que des élèves âgés de 16 à 18 ans appliqueront cette réforme en classe de Terminale. Une classe où une spécialité aura été abandonnée au profit de deux autres précédemment choisies. Une classe qui, à son terme, conclura l’enseignement secondaire grâce à un diplôme délivré pour la majorité des élèves. Une classe où le choix de la spécialité à délaisser permettra de conclure l’enseignement secondaire. Cependant, cette décision pose problème. Comment savoir quelle spécialité supprimer quand je ne sait pas quelles seront mes poursuites d’études ? La spécialité mise de côté sera-t-elle quand même importante dans mon parcours au regard des études dans le supérieur ? Aurais-je un réel niveau dans la troisième spécialité ? Tout ceci « est un problème important et qui sera compliqué à conseiller » précise le proviseur, conscient du problème rencontré, mais serein quant à la solution qui sera proposée. Mais toutes ces interrogations sont à réserver pour l’année d’après. Pour le moment, les élèves choisissent leurs spécialités, le reste viendra plus tard. En ce mois d’avril 2019, l’organisation de la classe de Terminale n’est pas encore finalisée et beaucoup d’informations manquent, beaucoup de points noirs sont à éclaircir. M. Artus nous confirme que sur « tout ce qui est niveau Terminale, les textes ne sont pas encore très très clairs sur le sujet ».

En outre, cette réforme s’applique également pour le baccalauréat ; ce diplôme qui aujourd’hui est une étape obligatoire pour la majorité des jeunes français. Ce bac se transforme lui aussi, lui qui était « devenu une énorme machine » selon un membre de l’administration du lycée Saint-Exupéry. Ce ne sera plus la succession d’un nombre conséquent d’épreuves concentrées en une semaine à la fin de la Première et de la Terminale. Ce sera, suite à cette réforme, une succession d’épreuves espacées sur deux ans. Ce que l’on appelle le contrôle continu (différentes épreuves sur les spécialités et les matières telles les épreuves anticipées du baccalauréat que nous connaissons aujourd’hui et dont les sujets seront tirés d’une base nationale de données accessible à tous) comptera à 40 % de la note finale au bac, et les épreuves finales (épreuves comme celles existantes en juin de nos jours) représenteront 60 % de cette même note finale. Parmi ces dernières, il y aura une épreuve de philosophie, une épreuve sur chaque spécialité gardée par l’élève et un Grand Oral dont les contours sont encore flous aujourd’hui, car le contenu de l’examen n’est pas décidé. Et il en va de même pour les autres épreuves et particulièrement celles du contrôle continu. Au delà du contenu, toutes les modalités ne sont pas connues pour les établissements, mais il semblerait que chaque lycée organise l’épreuve comme il le souhaite entre deux dates données, que ce soit classe par classe pour simplifier l’organisation, ou que ce soit toutes les classes ou groupes en même temps pour préparer les élèves aux épreuves finales.


Le lycée, un tremplin vers le supérieur ?

Ainsi, cette réforme de l’enseignement secondaire et de baccalauréat cherche à rendre ce passage obligatoire vers l’enseignement supérieur plus utile à chacun en amenant une spécialisation qui permettra, si celle-ci s’avère réussie, une meilleure insertion dans l’enseignement supérieur. Mais c’est peut être une spécialisation précoce. « Ça décale l’année du choix en seconde » nous confie Mme Delas, psychologue de l’Éducation Nationale (conseillère d’orientation), et en seconde, tous les élèves ne savent pas quel secteur professionnel ils souhaitent intégrer. Et il semble nécessaire de palier ce manque de projets professionnels dès le collège et d’autant plus au lycée. C’est pourquoi des heures d’accompagnement à l’orientation et d’accompagnement personnalisé seront intégrées dans l’emploi du temps des futurs élèves de Seconde générale et technologique. Espérons qu’elles aident les élèves en difficulté à faire leur choix, des élèves qui, selon une professeure de Physique-Chimie, « sont encore plus dans l’incertitude » avec cette réforme. Mais pour Mme Delas, quelconque mesure pour accompagner les élèves n’est pas suffisante ; cette spécialisation est trop précoce pour des jeunes en devenir.

C’est pourquoi, l’enseignement supérieur devra s’adapter au nouvel enseignement secondaire, lui qui était attaché au système de filières (notamment en Classe Préparatoire aux Grandes Écoles), pour aider les élèves qui savent quelle branche de formation suivre, mais qui ne connaissent pas les spécialités les plus adaptées à leur projet. Une adaptation qui risque d’être longue de part le grand nombre de formations proposées et de part l’ancienneté du système.

Au final, cette réforme est un vent de renouveau pour l’Éducation Nationale. Après le collège, le lycée a lui aussi le droit à une cure de jouvence.


Une cure de jouvence critiquée, soumise à un cruel manque d’échanges et d’informations.

Une cure de jouvence «brouillon», effectuée dans l’urgence et sans communication ?

La réforme du baccalauréat paraît susciter, auprès des élèves, des enseignants et des psychologues de l’Éducation Nationale, d’avantage d’inquiétudes que de satisfaction.

Trop peu de communication entre le gouvernement et le corps enseignants, voilà la principale source d’inquiétude. Les professeurs dénoncent, dans un premier temps, l’absence de prise en compte de leur avis concernant la nouvelle réforme.

Entre le 5 et le 20 novembre 2018, une plate-forme informatique avait pourtant été ouverte sur le site d’Eduscol dans la perspective de récolter les avis des professionnels du terrain, entendez par là des professeurs, au sujet des nouveaux programmes scolaires. Néanmoins ces enseignants ont la sensation de se trouver « en plein mensonge » nous confie une professeure d’Histoire-Géographie. En ce sens, le gouvernement semble avoir ouvert cette plate-forme pour créer « l’illusion naïve que les avis soient pris en compte ». Pourtant le point de vue des professeurs, soldats du terrain, est primordial. Il existe la « réforme sur le papier » mais la version papier ne correspond pas vraiment au reflet de la « réforme sur le terrain », dénonce une professeur de physique-chimie. De plus, un nombre conséquent de mots de passes et d’identifiants permettaient l’accès à cette plate-forme, et constituaient dès lors une vrai épreuve dissuasive à l’égard des professeurs. Cet accès difficile à cette dernière n’encourageait pas le corps enseignant à exprimer une quelconque opposition à la mise en place de la réforme, «Ils veulent nous forcer à faire des choses sans prendre en compte notre avis» affirme la professeure d’Histoire-Géographie.

Les avis non pris en compte ne constituent pas le seul problème relatif à la communication entre le gouvernement et le personnel enseignant. Un manque d’information criant émerge également de ce « vrai problème de communication ».

En effet les professeurs, sont en incapacité de répondre aux questions des élèves et des parents concernant : le contenu des nouveaux programmes, l’organisation des emplois du temps et la fameuse épreuve orale dont le déroulement reste encore inconnu à ce jour. Mme Delas nous signale qu’elle reçoit les informations au compte goutte; « à cause du manque d’information et des informations qui arrivent tard, j’ai dû retarder mes réunions de parents… » explique t-elle. Le peu de renseignements dont elle dispose ne lui permet donc pas de rassurer les parents d’élèves, inquiets à l’idée que leurs enfants face partie de la « génération test ». Outre les parents, les premiers concernés que sont les élèves, sont tout aussi inquiets de la situation. Accompagnés des professeurs, qui ne savent pas comment les préparer correctement, ils orientent à l’aveugle leur avenir incertain. Au cours d’une interview nous avons eu l’occasion d’interroger des élèves de Seconde. L'un d’entre eux, Tessier Romain, nous avoue qu’il « ne sait pas grand chose » à propos des programmes qu’il devra étudier. Deux autres élèves de Seconde confient également « On est encore perdu sur ce qu’il va y avoir pour les programmes, même nos profs ne sont pas au courant ».

L’inertie de la mise en place d’une réforme comme celle-ci, suscite donc du point de vue des personnes concernées (professeurs, psychologues de l’Éducation Nationale, parents, élèves) une réelle inquiétude et un mécontentement certain.

Malgré l’insatisfaction générale, deux points positifs sont tout de même soulignés : un Grand Oral bénéfique pour l’expression orale des élèves, futurs participants aux entretiens d’embauches ; et un contrôle continu qui réduit la pression transmise par la semaine déterminante consacrée aux épreuves du baccalauréat. Ainsi cette réforme et tous les bouleversements qu’elle engage se trouve partagée entre une critique prépondérante sur la nouveauté et des améliorations notables par rapport à l’ancien système.

DALLEST Amandine

ARRAYET Ivanhoé

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